« Messi est un chien exceptionnel » : entretien avec Laura Martin Contini, coach pour animaux et lauréate de la Palm Dog by Dogamí 2023
Cette année, la Palm Dog by Dogamí a été décernée à Messi, un Border Collie interprétant Snoop dans le film de Justine Triet, « Anatomie d’une chute ». Cette belle récompense a mis le sourire aux lèvres de Laura Martin Contini, coach pour animaux et responsable de cet acteur qui a du chien. Pour en apprendre davantage sur son métier passionnant, l’équipe de l’agence YLG est partie à sa rencontre.
Laura Martin Contini, vous êtes coach pour animaux dans le cinéma et le spectacle. Quel parcours avez-vous suivi pour en arriver là ?
Après avoir exercé le métier d’assistante commerciale, j’ai fait une reconversion professionnelle, car j’ai toujours voulu travailler avec les animaux. J’ai donc suivi une formation pour devenir éducatrice canin. Par la suite, j’ai créé ma structure et élargi mon réseau.
Grâce à ma rencontre avec un coach animalier pour le cinéma lors d’une séance d’entraînement, j’ai pu m’orienter vers cette profession. J’ai d’abord travaillé avec Idéfix au parc Astérix, puis j’ai poursuivi mon petit bonhomme de chemin en tant qu’intermittente du spectacle. J’ai croisé la route de professionnels du secteur, avec lesquels j’ai beaucoup appris. Jusqu’au jour où on m’a contactée pour le film de Justine Triet, Anatomie d’une chute…
Quel est le rôle d’un coach pour animaux ?
C’est complètement différent de l’éducateur canin, qui enseigne aux maîtres les bons comportements avec leur animal. Le coach a pour objectif de guider l’animal pour une action précise. Par exemple, il apprend au chien à rapporter un objet, à sauter, à suivre un comédien…
Pour ce faire, il le prépare à l’avance et le « conditionne ». Ensuite, il l’emmène sur le lieu du tournage pour filmer la séquence. Il l’accompagne dans la réalisation de l’action au milieu du bruit, des micros et des caméras. En résumé, le coach est là pour aider, guider et récompenser l’animal.
Comment décririez-vous votre méthode de travail ?
Chaque animal a sa personnalité ; il faut donc le comprendre et le respecter. Le plus important, selon moi, est d’avoir un bon feeling et d’instaurer une relation de confiance. En ce qui concerne le travail, tout dépend de son caractère et de son « niveau d’adaptation ». Pour certains chiens, réaliser une action spécifique (rapporter un objet, par exemple) s’avère difficile, raison pour laquelle l’apprentissage peut durer plus longtemps. Au contraire, d’autres animaux comprennent rapidement. Ainsi, il est nécessaire de s’adapter à chacun.
Je mise beaucoup sur le respect mutuel, le jeu et la récompense. Toujours du positif et de la patience pour atteindre mon but : que le chien prenne du plaisir à s’exercer et travaille en s’amusant !
L’année 2023 est à marquer d’une pierre blanche, puisque vous avez reçu la Palm Dog avec votre chien Messi, qui incarne Snoop, le compagnon d’un enfant malvoyant dans le film « Anatomie d’une chute » de Justine Triet. Comment avez-vous vécu l’obtention de ce prix ?
Lorsque Justine Triet m’a téléphoné pour me dire qu’on avait remporté la Palm Dog, je n’y croyais pas ! Je suis très heureuse, car c’est vraiment une reconnaissance de tout le travail effectué avec Messi, un chien exceptionnel qui partage ma vie depuis 7 ans.
Pour la petite anecdote, je l’appelle souvent « l’artiste incompris ». Pendant les castings, les recruteurs préfèrent généralement d’autres chiens à cause de son physique particulier. Nombre d’entre eux ont indiqué qu’ils ne ressentaient presque rien en lui. Pourtant, Messi a un potentiel d’enfer, adore travailler et sait faire plein de choses. Quand il a été pris pour le film Anatomie d’une chute, je me suis dit que c’était sa chance. L’artiste incompris est devenu très grand !
Le tournage du film a duré plusieurs mois. Cette aventure a dû vous laisser des myriades de souvenirs ! Avez-vous une anecdote croustillante avec Messi, que vous souhaitez nous partager ?
Nous avons tourné une séquence assez difficile, durant laquelle Messi devait marcher devant l’agitation policière, remonter les escaliers et se coucher aux pieds de l’actrice Sandra Hüller. J’ai préparé cette scène en amont, mais je ne pensais pas que le chien devait se déplacer aussi lentement et loin de la caméra. Pour pouvoir le ralentir le jour J, je n’ai cessé de répéter toute la journée : « Doucement ! Doucement ! » C’était le deuxième jour de tournage et je me suis demandé ce qu’ils allaient tous retenir de moi… Le fameux « doucement » m’a collée à la peau jusqu’à la fin !
J’ai une autre anecdote avec Milo Machado Graner, qui interprète le fils du couple. Messi devait le rejoindre calmement dans le grenier pour lui faire un câlin, mais ils étaient « surexcités ». La séquence émotion est donc devenue… un jeu ! J’ai eu l’idée de mettre de la pâtée pour chien dans le cou de l’enfant, pour que Messi vienne le lécher et reste avec lui. Autant vous dire que Milo se plaignait de la mauvaise odeur ! [Rires.]
Messi a bluffé le jury de la Palm Dog en simulant une maladie dans l’œuvre de Justine Triet. Comment vous y êtes-vous prise pour lui apprendre ce « tour » ?
Il s’agissait d’une grosse séquence. J’avais énormément préparé Messi en amont, afin de lui apprendre à rester couché sur le côté et à « faire le mort » pour que Milo puisse l’attraper sans qu’il gigote.
Le jour du tournage, c’était tellement long que le chien dormait ! Il lui arrivait même d’ouvrir la gueule et de respirer fort. Comme ce comportement collait bien à la scène, nous avons profité de ces occasions. Messi a été super et a impressionné tout le monde.
Votre Border Collie a aussi joué dans des publicités, notamment pour Truffaut et Esthima. Quelles sont les différences notoires entre le tournage d’une pub et celui d’un film ?
Messi a effectivement tourné dans des pubs pour Truffaut et Esthima. Que ce soit une publicité ou un film, le coaching animalier demeure pareil.
Toutefois, la différence réside au niveau du spectacle. Le chien répète plusieurs fois une même action avant de la reproduire en direct. Il faut que ce soit très précis et carré.
La place du chien dans la société, et plus largement de l’animal de compagnie, évolue considérablement au fil des années. Les talents d’acteur de nos compagnons à 4 pattes sont de plus en plus reconnus, en particulier grâce à la Palm Dog. Néanmoins, votre profession est peu mise sur le devant de la scène contrairement aux réalisateurs et aux acteurs… Qu’en pensez-vous ?
Lorsqu’on regarde un film, on s’identifie souvent à l’animal parfait qu’on rêverait d’avoir sans forcément se rendre compte de tout le travail effectué avec le coach. Quand j’étais enfant, je ne m’étais jamais dit qu’une personne entraînait Beethoven, par exemple. J’avais une vision idéalisée de ce Saint-Bernard. Le coach animalier est un peu oublié, alors qu’il prend soin du chien et fait en sorte que tout se passe bien pour lui durant le tournage.
En plus d’une meilleure reconnaissance du métier, j’aimerais que les animaux soient mieux pris en compte dans ce domaine. Ce sont des êtres vivants, non des accessoires, et cela devrait être davantage encadré par la loi.
L’agence YLG est spécialisée dans l’organisation d’événements qui valorisent et contribuent au bien-être de nos compagnons à 4 pattes. Ce sujet gagne en importance, on le voit aux dernières avancées. Comment le coach animalier garantit-il le bien-être des animaux pendant les tournages ?
En effet, le rôle du coach est de garantir le bien-être de l’animal sur le lieu du tournage. C’est lui qui dit « stop » quand il y a trop de séquences tournées avec l’animal ou des scènes irréalisables.
Force de proposition, il sait trouver des compromis avec le réalisateur. Ce n’est pas toujours simple de se faire entendre, mais il est nécessaire de proposer des solutions pour assurer le bien-être de l’animal. Un coach pour animaux fait preuve d’éthique et exerce son métier avec passion.
Yoann Latouche, fondateur de l’agence YLG, a déclaré un jour : « Nous ne rendrons jamais un chien ou un chat aussi heureux qu’en le comprenant. » Quel est votre avis sur le sujet ?
J’approuve totalement ! Patients, plutôt grognons, un peu maladroits… Les animaux ont tous leur propre personnalité et leurs qualités, à l’instar des humains. Si un chien ne s’entend pas avec ses congénères, par exemple, il est nécessaire d’en connaître la raison pour préserver son bien-être. Peut-être qu’il a peur ou qu’il est indépendant.
Il ne faut pas se dire : « Je vais avoir un chien et il sera exactement comme ça. » Ce dernier a son caractère, auquel il convient de s’adapter. Une fois qu’on a compris son animal de compagnie, on a tout gagné !